Propriétés physicochimiques
La morphine est le morphinomimétique le moins liposoluble .
Il s'agit d'une base faible, la concentration est sous forme ionisée est de:
- 79 % à pH 7,40
- 85 % à pH 7,20.
La morphine est principalement fixée à l'albumine, la fixation protéique est de 30 à 35 %.
Métabolisme et élimination
Métabolisme
La morphine est métabolisée selon trois modalités principales :
- glucuroconjugaison, (voie métabolique principale )
- sulfoconjugaison
- N-déméthylation.
c'est la conjugaison en 3 qui est la plus importante.
Le dérivé 3-glucuroconjugué a peu d'activité pharmacologique. Il aurait des propriétés antagonistes morphiniques et/ou stimulerait les récepteurs NMDA
Le dérivé 6-glucuroconjugué a une activité agoniste morphinique plus puissant que la morphine.
Bien que les métabolites soient plus hydrosolubles et plus polaires que la morphine, ils traversent la barrière hématoméningée et sont retrouvés dans le LCR, 2 heures après une injection parentérale , ce qui suggère la possibilité d'une action
analgésique du métabolite 6-glucuroconjugué dès la première administration de morphine.
Par ailleurs, ce métabolite a une très longue demi-vie d'élimination (10,5 h) du LCR , ce qui laisse supposer une importante accumulation après plusieurs administrations successives de morphine.
La morphine est aussi dégradée en d'autres métabolites mineurs tels la normorphine et la codéine qui peuvent exercer également une activité analgésique.
La vitesse de métabolisation de la morphine est rapide comme en témoigne la valeur élevée de la clairance métabolique .
Le site principal de dégradation est hépatique, expliquant que la biodisponibilité de la morphine orale est faible de l'ordre de 20 à 40 % .
Néanmoins, la morphine a également un métabolisme extrahépatique , probablement rénal car l'atteinte de la fonction hépatique modifie peu la demi-vie d'élimination de la morphine .
Elimination
urinaire sous forme glucuroconjuguée :
- 6 à 10 % de la dose = morphine libre,
- 60 % = métabolites glucuroconjugués
- 12 % = la normorphine .
Elle se fait par:
- Filtration glomérulaire
- Excrétion tubulaire.
Une partie est éliminée dans la bile mais la plus grande partie est réabsorbée selon un cycle entérohépatique si bien que la fraction glucuroconjuguée éliminée dans les selles est très faible.
Pharmacocinétique plasmatique
Voie intraveineuse
Après injection intraveineuse, la concentration plasmatique artérielle est quasiment d'emblée maximale puisque le captage pulmonaire est négligeable.
La diffusion dans les tissus très rapide, ( ½ α= 3 et 11 minutes).
t½ d'élimination entre 2 et 3 heures .
En IV cinétique tri exponentielle = modèle à trois compartiments.
Le VD élevé entre 3 et 4 l/kg
Clairance plasmatique élevé entre 23 et 33 ml/min/kg .
La conjonction de ces deux phénomènes explique la décroissance rapide des concentrations plasmatiques le long des phases de distribution.
Facteurs de variations de la pharmacocinétique
Certains facteurs peuvent modifier la pharmacocinétique de la morphine : la distribution tissulaire et/ou l'élimination.
Age
Volume compartiment centrale bas ⇒concentration plasmatique une fois et demie plus élevées que les patients plus jeunes, à 2 et à 5 minutes après Inj IV . ⇒ réduire les doses
Cinétique inchangé par rapport aux adultes pour enfants à partir de 1 an .
Au cours des premiers jours de la vie et chez le prématuré, la demi-vie d'élimination de la morphine est prolongée par diminution des capacités du foie à métaboliser la morphine .
Modifications de l'équilibre acido-basique
L'acidose et l'alcalose sont susceptibles de faire varier la diffusion de la morphine, particulièrement dans le SNC.
Elles augmentent, toutes les deux les concentrations cérébrales de morphine.
Insuffisance hépatocellulaire
Pas d’altération .
Insuffisance rénale
Chez des patients en insuffisance rénale terminale pas de modifications de la pharmacocinétique de la morphine intacte mais accumulation importante des métabolites glucuroconjugués 3 et 6 pendant 36 heures, dans le plasma et le LCR.
Les concentrations élevées du dérivé 6-glucuroconjugué observées pendant plusieurs heures, chez l'insuffisant rénal, pourraient expliquer, par elles-mêmes, l'action prolongée de la morphine.
Actions pharmacologiques propres à la morphine
La morphine possède les actions pharmacologiques communes aux morphinomimétiques, décrites précédemment.
Ses actions propres concernent
- la puissance
- la cinétique d'action
- l'histaminolibération.
Puissance et cinétique d'action
La courbe dose-effet de la morphine est intermédiaire entre celle de la péthidine et du dextromoramide.
Les délais d'apparition, la rapidité d'installation et les durées de l'analgésie maximale sont, pour la morphine, parmi les plus longs de tous les morphinomimétiques, respectivement 15 minutes et 4 heures.
Histaminolibération
La morphine provoque une histaminolibération, dépendante de la dose.
Elle apparaît à partir de 1 mg/kg et devient majeure à partir de 3 mg/kg.
Elle s'accompagne d'une vasodilation artériolaire et veineuse .
Réduction de l’effet hypotenseur par les antagonistes
Une prémédication par des bloqueurs des récepteurs H1 et H2 minimise grandement cet effet hypotensif de la morphine, confirmant, ainsi, le rôle de l'histamine..
Utilisation clinique, présentation
La morphine est prescrite dans les douleurs chroniques habituellement cancéreuses et préférentiellement par voie orale.
- Ampoule de 1 ml /10 mg de chlorhydrate de morphine.
- Utilisée en : SC, IM, IV, sous-arachnoïdienne et péridurale.
- Parfois utilisée en prémédication, mais surtout en période Post op.
- Une titration initiale par des bolus IV de 3 à 5 mg toutes les 10 mn en salle de réveil,
- L'entretien est assuré par l'administration SC de doses unitaires de 5 à 10 mg toutes les 4 à 6 heures ou par le mode d'analgésie contrôlée par le patient (PCA : " patient controlled analgesia ") par IV habituellement avec des bolus de 1 mg et une
période réfractaire de 7 ou 10 minutes
- Pour diminuer l'incidence des effets indésirables, les doses de morphine par voie périmédulaire ont été réduites considérablement (dépression respiratoire tardive, 6 à 8 h après administration)
- Les doses pour couvrir le nycthémère :
- 0.03 à 0.04mg/kg par la voie péridurale
- 0.05 à 0.2 mg/kg pour la voie intrathécale
- Dose usuelle en IVL chez l'adulte:
- 2,5 mg à 10 mg injectés en 5 mns, 4 à 6 fois par 24 h si nécessaire.
- Dose maximale par injection intraveineuse: 10 mg.
- Dose usuelle par voie intrathécale chez l'adulte:
- 1 à 2 mg dilués dans 2 ml de soluté glucosé à 10% (deux à trois centièmes de milligrammes -0,02 à0,03 mg- par kilo).- Rev Prat 1983;33:331-341.
- Dose usuelle par voie épidurale chez l'adulte:
- 5 à 10 mg (0,1 à 0,2 mg/kg) par 24 h dilués dans du sérum physiologique à la concentration de 1mg /ml.- Rev Prat 1983;33:331-341.