Infections clostridiennes des tissus mous (Gangrène gazeuse; myonécrose clostridienne)
Par Larry M. Bush , MD, FACP, Charles E. Schmidt College of Medicine, Florida Atlantic University; Maria T. Vazquez-Pertejo , MD, FCAP, Wellington Regional Medical Center Dernière révision totale se
Résumé
Les infections des tissus mous à Clostridium comprennent
- la cellulite,
- la myosite
- et la myonécrose.
Elles surviennent habituellement après un traumatisme.
Les symptômes peuvent comprendre
- un œdème,
- des douleurs,
- des gaz intestinaux avec crépitation,
- des exsudats malodorants,
- une coloration intense du site et l'évolution vers un choc septique,
- une insuffisance rénale
- et parfois la mort.
Le diagnostic repose sur
- l'examen clinique,
- l'odeur et la coloration de Gram et est confirmé par la culture.
Le traitement repose sur la pénicilline et la mise à plat chirurgicale. L'oxygène hyperbare est parfois utile.
Nosologie
Les infections des tissus mous regroupent de nombreux tableaux cliniques intéressant, à des degrés divers, l’épiderme, le derme, l’hypoderme et parfois les fascias et les muscles.
Leur gravité est très variable, allant de l’érysipèle, affection le plus souvent bénigne et de traitement médical, jusqu’à la myonécrose clostridiale en passant par les fasciites nécrosantes, à la prise en charge thérapeutique lourde médicochirurgicale et au pronostic plus incertain.
La première difficulté dans la présentation de ces pathologies tient dans le caractère très polymorphe des classifications, basées sur des entités cliniques, physiopathologiques ou bactériologiques souvent mal limitées.
Plusieurs auteurs ont proposé d’unifier les différentes entités décrites dans un même cadre .
Le terme de « dermohypodermite aiguë bactérienne » a été proposé pour regrouper les formes non nécrosantes touchant les tissus cellulaires cutanés et sous-cutanés, correspondant aux tableaux classiques d’« érysipèle » et de « cellulite bactérienne superficielle ».
Nous retiendrons le terme de « dermohypodermite bactérienne non nécrosante » (DHBNN), en référence aux travaux de Grosshans qui paraît clairement préciser l’extension de la maladie.
Les formes nécrosantes, extensives en profondeur, atteignant les fascias et l’aponévrose superficielle, sont désignées dans plusieurs publications sous le terme de « dermohypodermites bactériennes nécrosantes » (DHBN) .
Elles regroupent les classiques
- cellulite gangreneuse,
- cellulite nécrosante,
- cellulite streptococcique maligne,
- gangrène streptococcique ,
- Fasciite nécrosante de type 2,
- cellulite à anaérobies non clostridiale,
- cellulite nécrosante synergistique,
- gangrène ou fasciite synergistique, cellulite crépitante non clostridiale
Selon la localisation,
- cellulite nécrosante périnéale ou gangrène de Fournier,
- cellulite nécrosante cervicofaciale,
- gangrène postopératoire de Meleney
- et les gangrènes gazeuses,
- cellulites clostridiales,
- Cellulites crépitantes
- et gangrènes cutanées anaérobies
Classification bactériologique et clinique. d’après Finegold S. Anaerobic bacteria in human disease. New York : Academic Press, 1977
|
Cellulite clostridiale |
Myonécrose clostridiale
= gangrène gazeuse |
Myosite streptococcique à
anaérobies |
Fasciite nécrosante |
Cellulite nécrosante
synergistique |
Signes de sepsis |
peu marqués |
très importants |
importants |
importants |
importants |
|
peu marqués |
très importants |
retardée |
peu marquée |
importante |
|
peu marqués |
importants |
important |
important |
important |
|
très importante |
importantes |
importante |
inconstante |
inconstante |
|
normal |
peau tendue, blanche ou gan-
grenée avec bulles |
aspect parfois cuivré |
peau brune, rouge pâle
ou gangréneuse |
oedématiée rouge
ou gangréneuse |
|
Clostridium |
Clostridium |
Streptocoques anaérobies
± streptocoques aérobies
± staphylocoques |
Streptocoques aéro-
et anaérobies, staphylocoques
± Bacteroides |
Streptocoques aéro-
et anaérobies,
Bacteroides |
Traitement chirurgical |
incisions, débridement |
excisions larges des muscles
nécrosés |
excisions larges des muscles
nécrosés |
incisions larges si échec de
l’antibiothérapie |
incisions larges |
Une infection clostridienne des tissus mous peut survenir après une blessure ou spontanément.
L'infection entraîne habituellement la formation de gaz dans les tissus mous.
Clostridium perfringens est l'espèce la plus fréquemment impliquée.
Les infections clostridiennes des tissus mous se développent habituellement plusieurs heures à quelques jours après la lésion d'un membre par un traumatisme sévère par un écrasement ou une pénétration qui dévitalisent les tissus, créant des conditions d'anaérobiose.
La présence de matière étrangère (même stérile) augmente nettement le risque d'infections à Clostridium.
L'infection peut également survenir dans des plaies opératoires, notamment en cas d'artérite oblitérante préexistante.
Les cas spontanés sont rares et sont habituellement provoqués par une bactériémie à C. septicum provenant d'une perforation occulte du côlon en cas de cancer du côlon, de diverticulite ou d'ischémie de l'intestin.
C. septicum étant aérotolérant, l'infection peut se propager largement à la peau normale et aux tissus mous.
La neutropénie concomitante, quelle qu'en soit la cause, prédispose à une bactériémie à C. septicum; le pronostic est alors défavorable et il empire en cas d'hémolyse intravasculaire.
Dans des conditions propices (faible potentiel d'oxydoréduction, pH bas), comme cela se produit dans les tissus dévitalisés, l'infection évolue rapidement vers le choc septique, les troubles confusionnels toxiques et la mort parfois en 1 jour seulement.
Symptomatologie
Cellulite à Clostridium
Se manifeste sous forme d'infection localisée dans une plaie superficielle, habituellement ≥ 3 jours après la lésion initiale.
L'infection peut se propager le long des plans aponévrotiques, souvent avec crépitation et dégagement d'abondantes bulles de gaz, mais le syndrome toxique est beaucoup moins grave que dans une myonécrose étendue et la douleur est moindre.
Les bulles sont fréquemment retrouvées, avec un exsudat brun séreux, d'odeur nauséabonde.
Il est rare d'observer une coloration anormale et un œdème prononcé du membre.
Les infections cutanées à Clostridium associées à la thrombose artérielle primitive d'un membre évoluent rarement en myonécrose toxique grave ou vers l'étendue au-delà de la ligne de démarcation.
Myosite à Clostridium (infection suppurée du muscle sans nécrose)
Très fréquente chez le toxicomane par voie parentérale.
Elle ressemble à la pyomyosite staphylococcique et ne présente pas les symptômes généraux de la myonécrose à Clostridium.
Il se développe fréquemment un œdème, des douleurs et des gaz dans les tissus.
L'infection se propage rapidement et peut évoluer jusqu'à la myonécrose
La douleur sévère initiale est fréquente, parfois même avant d'autres signes.
La zone de la plaie peut être initialement pâle, mais elle devient rouge ou bronzée, souvent avec des bulbes et des boutons qui évoluent finalement vers le vert foncé.
La zone est tendue, œdémateuse et sensible à la palpation. La crépitation est moins évidente initialement que dans la cellulite à Clostridium mais est finalement palpable dans près de 80% des cas.
Les plaies et les liquides de drainage ont une odeur particulièrement mauvaise.
Myonécrose à Clostridium (gangrène gazeuse)
Avec l'aggravation, le patient semble intoxiqué, avec tachycardie, pâleur et hypotension. Le choc et l'insuffisance rénale se manifestent, bien que le patient reste souvent lucide jusqu'en phase terminale.
Une bactériémie, parfois avec hémolyse manifeste, survient chez environ 15% des patients présentant une gangrène gazeuse secondaire à un traumatisme.
En cas d'hémolyse massive, la mortalité attendue est de 70 à 100% due à une insuffisance rénale aiguë et on peut s'attendre à l'apparition d'une septicémie.
Diagnostic
Bilan clinique
Coloration de Gram et culture
Une suspicion précoce et une intervention sont essentielles; la cellulite à Clostridium répond bien au traitement, mais la myonécrose a une mortalité ≥ 40% sous traitement et de 100% sans traitement.
Les infections des tissus mous à clostridies sont suspectées lors de l'examen clinique, en particulier de l'inspection de la plaie et de son environnement (dont l'odeur).
Bien que les manifestations de la cellulite, de la myosite et de la myonécrose diffuse puissent être cliniquement distinctes, ce diagnostic différentiel exige souvent une exploration chirurgicale.
Dans la myonécrose, le tissu du muscle est nécrosé; le muscle malade est rose terne, puis rouge sombre et finalement gris vert ou pourpre tacheté et ne se contracte pas à la stimulation.
Les rx peuvent laisser apparaître une production locale de gaz et la TDM et l'IRM délimitent l'étendue de gaz et la nécrose.
L'exsudat de la plaie doit être mis en culture pour la recherche de microrganismes aérobies et anaérobies.
Le nombre de clostridia doublant toutes les 7 minutes, les cultures anaérobies de Clostridia peuvent être positives dès 6 h.
Cependant, d'autres bactéries anaérobies et aérobies, dont les membres de la famille des entérobactéries et Bacteroides, Streptococcus, et Staphylococcus spp, seuls ou ensemble, peuvent entraîner une cellulite sévère, une fasciite nécrosante, une myonécrose semblables à celles dues à Clostridium ( Infection nécrosante des tissus mous).
De plus, de nombreuses plaies, en particulier si elles sont ouvertes, sont contaminées par des Clostridium aussi bien pathogènes que non pathogènes qui ne sont pas responsables de l'infection.
L'exsudat de la plaie doit être mis en culture pour la recherche de microrganismes aérobies et anaérobies.
Le nombre de clostridia doublant toutes les 7 minutes, les cultures anaérobies de Clostridia peuvent être positives dès 6 h.
Cependant, d'autres bactéries anaérobies et aérobies, dont les membres de la famille des entérobactéries et Bacteroides, Streptococcus, et Staphylococcus spp, seuls ou ensemble, peuvent entraîner une cellulite sévère, une fasciite nécrosante, une myonécrose semblables à celles dues à Clostridium ( Infection nécrosante des tissus mous).
De plus, de nombreuses plaies, en particulier si elles sont ouvertes, sont contaminées par des Clostridium aussi bien pathogènes que non pathogènes qui ne sont pas responsables de l'infection.
Traitement
Drainage et débridement
Pénicilline plus clindamycine
En cas de signes cliniques d'infections par le Clostridium (p. ex., gaz ou myonécrose), une intervention agressive rapide est obligatoire.
Un drainage et un débridement minutieux sont aussi importants que les antibiotiques; ils doivent être effectués rapidement.
La pénicilline G 3 à 4 millions d'unités IV toutes les 4 à 6 h et la clindamycine 600 à 900 mg IV toutes les 6 à 8 h (qui inhibe la production de toxines) doivent être immédiatement administrées en cas de cellulite et de myonécrose sévères.
La clindamycine seule est insuffisante.
Si des microrganismes Gram négatifs sont observés ou suspectés, une antibiothérapie à large spectre (p. ex., ticarcilline plus acide clavulanique, ampicilline plus sulbactam, pipéracilline plus tazobactam, un carbapénème) doit être utilisé avec la clindamycine.
Si les patients allergiques à la pénicilline présentent une infection clostridienne mettant en jeu le pronostic vital, la clindamycine, avec du métronidazole 500 mg IV toutes les 6 heures, peut être utilisée; si d'autres microrganismes sont présents, un antibiotique à large spectre non bêta-lactamine tel qu'une fluoroquinolone doit être ajouté, ainsi que de la vancomycine pour Staphylococcus aureus.
Le traitement par l'oxygène hyperbare est utile dans la myonécrose extensive, en particulier des membres, en tant que complément aux antibiotiques et à la chirurgie.
Le traitement par l'oxygène hyperbare semble épargner les tissus et réduire la mortalité et la morbidité s'il est débuté tôt, mais il ne doit pas retarder la mise à plat chirurgicale.