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Cas clinique N° 8 : Réa-Urg

Réanimation diabétique (Proposé par M. Mourad AMEYOUD , IPPM à l’INFSSFTO)

Une femme de 42 ans, ayant un diabète insulinodépendant depuis 4 ans, est transportée aux urgences médicales par le SAMU.

A son arrivée, la patiente présentait :

Une asthénie intense, une température à 38 °C, la fréquence cardiaque à 125/min, la pression artérielle à 70/40 mm Hg.

Depuis plusieurs jours, la patiente présentait une polydipsie. Son traitement habituel comportait 18 U d’insuline retard matin et soir, mais la patiente signale qu’elle ne surveillait plus ses glycémies depuis 6 mois environ.

Dans ses antécédents, on note :

  • Deux grossesses menées à terme sans problème ;
  • Une appendicectomie compliquée d’une suppuration de paroi ayant entraîné la découverte du diabète.

À l’arrivée dans la salle d’urgence du service de réanimation, un flacon de 500 ml d’un soluté macromoléculaire a été perfusé.

La pression artérielle est remontée à 110/60 mm Hg, la fréquence cardiaque est à 135 bat/min.

Il persiste des marbrures au niveau des membres inférieurs.

La fréquence respiratoire est à 30/min, la patiente exhale une odeur d’acétone de l’haleine.

L’auscultation du thorax ne révèle aucune anomalie. La peau garde le pli, la face interne des joues est sèche. Le reste de l’examen clinique est sans anomalie, en particulier sur le plan neurologique.

L’analyse d’urine après sondage montre une glycosurie et une cétonurie massives. Le prélèvement sanguin artériel réalisé aux urgences donne les résultats suivants :

  • pH = 7,03 ;
  • PaCO2 = 9,8 mm Hg ; PaO2 = 132 mm Hg sans apport d’oxygène ;
  • Bicarbonates = 5,4 mmol/L ;
  • SaO2 = 97 % ;
  • Glucose = 5.5 g/L ;
  • Urée = 1g/ L ;
  • Créatinine = 20mg/L ;
  • Na = 132 mmol /L ;
  • Cl = 94 mmol/L;
  • K = 5 mmol/L;
  • Protéines = 79 g/L ;
  • Hématocrite = 51 % ;
  • Acide lactique = 4,2 mmol /L.

L’ECG et la radiographie du thorax sont normaux.

Questions

  1. Quel est votre diagnostic ?
    1. Relevez dans le texte les éléments en faveur.
    2. Expliquez la production des lactates alors que la PaO2 est élevée et dans ce cas.
  2. Quel est le trouble de l’hydratation observé et expliquez son mécanisme dans ce cas précis?
  3. Décrivez la CAT devant ce cas.
  4. Quels sont les éléments de surveillance que vous mettrez en place?

  1. Diagnostic : acidocétose diabétique.

    1. Les éléments en faveur :
  • Antécédents (Diabétique insulinodépendante)
  • Odeur d’acétone de l’haleine.
  • Le diagnostic est confirmé par les examens biologiques :
  • Glycosurie et cétonurie massives, hyperglycémie (> 5g/L), (pH <7,20).
  • Négligence dans la surveillance des glycémies depuis 6 mois.
    1. La production des lactates est liée à un défaut d’extraction de l’oxygène par la cellule à cause de l’état de choc (TA à 70/40) et présence de marbrures.
  • L’élévation de la PaO2 chez cette patiente est liée à l’hyperventilation réactionnelle à l’acidocétose
  • Dans le cas présent, bien que la PaO2 soit élevée (132 mm Hg), les lactates sont également élevés (4,2 mmol/L), ce qui indique la présence d'une acidose lactique. L'acidose lactique peut être causée par plusieurs mécanismes, indépendamment de la saturation en oxygène.
  • L'une des causes possibles d'une acidose lactique dans ce contexte est une mauvaise utilisation du glucose par les cellules en raison d'un déficit en insuline. Dans le diabète insulinodépendant, en l'absence ou en insuffisance d'insuline, les cellules ne peuvent pas métaboliser correctement le glucose et doivent se tourner vers d'autres sources d'énergie, notamment la lipolyse des tissus adipeux. Cette lipolyse excessive produit des acides gras libres qui sont ensuite transformés en corps cétoniques dans le foie. L'accumulation de corps cétoniques conduit à une acidose métabolique.
  • Dans cet état, le métabolisme énergétique des cellules est perturbé, et pour compenser cela, l'organisme peut activer des voies de production d'énergie anaérobies, qui génèrent des lactates. Les lactates sont produits lors de la glycolyse anaérobie, un processus métabolique qui fournit de l'énergie lorsque l'oxygène est limité. Dans cette situation, bien que la PaO2 soit élevée, l'utilisation du glucose est altérée et l'organisme peut recourir à des voies métaboliques anaérobies, entraînant une accumulation de lactates.
  • Il convient de noter que la présence d'une acidose lactique dans l'acidocétose diabétique peut aggraver l'acidose métabolique préexistante et entraîner une détérioration de l'état clinique du patient. La prise en charge de l'acidocétose diabétique comprendra donc également des mesures visant à corriger l'acidose lactique, telles que l'administration d'insuline et de liquides intraveineux appropriés
  1. Nature du trouble de l’hydratation

Dans l’acidocétose diabétique, l’hyperglycémie entraîne une hyperosmolarité extracellulaire et une polyurie osmotique responsable d’une déshydratation globale et d’une hypovolémie.

  • Pour étayer cette observation, on retrouve des signes de déshydratation extracellulaire : la peau garde le pli, le pouls est rapide, la tension artérielle était initialement basse, la protidémie et l’hématocrite sont élevés.
  • Il existe également des signes en faveur d’une déshydratation intracellulaire :
    • La soif, la sécheresse des muqueuses (ici la face interne des joues).
  • L’hyponatrémie est habituellement responsable d’une hyperhydratation intracellulaire ; toutefois dans cette observation, l’hyponatrémie n’a pas de conséquence sur l’hydratation intracellulaire du fait de l’augmentation nette de l’osmolarité extracellulaire. (Ici il y a hémoconcentration)
  • L’hyponatrémie s’explique en partie par l’appel d’eau lié à l’hyperglycémie, par la perte de sodium liée à la diurèse osmotique des jours précédents, et par l’apport hydrique sans apport sodé lié à la polydipsie.
  1. CAT :

    1. Stabilisation initiale
    2. Correction de l'acidocétose
    3. Surveillance et correction des déséquilibres électrolytiques
    4. Recherche des causes déclenchantes
    5. Surveillance continue et évaluation de la réponse au traitement
    6. Éducation du patient

Plus concrètement

  • Réhydratation par un soluté de NaCl 0,9 %, 0,5 L/h pendant les 6 premières heures.
  • La prescription de solutés macromoléculaires est inutile, car c’est le déficit hydrosodé qui est responsable des troubles hémodynamiques et de l’insuffisance rénale.
  • L’insulinothérapie intraveineuse à la seringue électrique est nécessaire pour compenser la carence en insuline, qui est responsable de l’hyperglycémie, de l’élévation des corps cétoniques, de la déshydratation et de l’acidose.
  1. Surveillance

    1. Surveillance de la glycémie
    2. Surveillance des signes vitaux
    3. Surveillance de l'état d'hydratation
    4. Surveillance de l'équilibre électrolytique
    5. Surveillance de l'acidose métabolique
    6. Surveillance de la fonction rénale
    7. Surveillance clinique générale

  • Surveillance clinique horaire de l’état de conscience, du pouls, de la TA, de la fréquence respiratoire, des téguments (marbrures) et de la diurèse (par 3 heures). Monitorage cardiaque pour apprécier le retentissement des variations de la kaliémie.
  • Glycémie capillaire toutes les heures,
  • Glycosurie et cétonurie toutes les 3 heures.
  • Ionogramme plasmatique (Na, K, urée, créatinine, glycémie), gaz du sang, acide lactique à la 3e heure.

Date de dernière mise à jour : 13/05/2023

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