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LES RELATIONS TRANSPORT

J-L VINCENT 2007

Mesure des gaz artériels et veineux mêlés

Le sang veineux mêlé est le mélange de sang provenant de toutes les régions de l’organisme, brassé dans les cavités droites avant d’être oxygéné dans les capillaires pulmonaires.

L’analyse de ce sang permet donc de mesurer l’extraction d’oxygène par les tissus, en mesurant la saturation en oxygène de l’hémoglobine du sang veineux mêlé (SvO2).

Celle-ci peut être obtenue par un prélèvement de sang veineux mêlé (par l’extrémité distale du cathéter pulmonaire). La SvO2 peut aussi être monitorisée de manière continue si le cathéter pulmonaire est équipé de fibres optiques transmettant une intensité lumineuse à plusieurs longueurs d’ondes.

Dans les conditions physiologiques, la saturation veineuse en oxygène est plus élevée dans la veine cave inférieure que dans la veine cave supérieure, en raison de l’extraction d’oxygène faible par le rein. En revanche, au cours des insuffisances circulatoires, l’extraction d’oxygène peut devenir proportionnellement plus importante dans cette région, et le gradient peut s’inverser.

C’est pourquoi la saturation en oxygène d’un échantillon veineux prélevé par un cathéter veineux central ne permet qu’une évaluation approximative de la SvO2.

La valeur normale de la SvO2 est de 70 à 75 % (correspondant à une PvO2 de 35 à 40 mmHg).

La SvO2 met en rapport le transport en oxygène (DO2) en rapport avec la consommation d’oxygène (VO2).

De l’équation de Fick, on tire :
V O2 = CO 3 (Ca O2 - Cv O2)
V O2 = CO 3 Hb 3 1,38 3 (Sa O2 - Sv O2) 3 10

                                 V O2 °
Sv O2 = Sa O2 -  ——————---
                        CO x Hb x 13,8

(CO = cardiac output ou débit cardiaque) ; Hb = hémoglobine)


Ainsi, une diminution de la SvO2 peut être due à trois facteurs :

  • hypoxémie (une diminution de SaO2 entraîne une diminution directe de la SvO2) ;
  • anémie (avec compensation incomplète par le débit cardiaque) ;
  • une augmentation du rapport entre la demande en oxygène et le débit cardiaque.

Elle peut être physiologique au cours de l’effort. Chez le malade alité, elle est généralement pathologique, due à un débit cardiaque insuffisant pour une demande donnée : insuffisance cardiaque, hypovolémie, embolie pulmonaire massive…

Une élévation de la SvO2 au-dessus de la normale peut être due à trois facteurs:

  • un désordre de type distributif (sepsis) : c’est la cause la plus fréquente ;
  • une demande en oxygène réduite (anesthésie, hypothermie…) ;
  • un débit cardiaque excessif (hypervolémie, excès d’agents vasoactifs).

 

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Une PaO2 normale de 100 mmHg correspond à une saturation en oxygène (SO2) de l’hémoglobine de 97 %, tandis qu’une PaO2 de 60 mmHg correspond à une SaO2 de 90 %.

Dans le sang veineux mêlé, la PvO2 est normalement de 35-40 mmHg et la SvO2 de 70-75 %.

La P50, ou PO2 correspondant à une SO2 de 50 %, est normalement aux environs de 27 mmHg.

Une diminution de la SvO2 peut refléter trois situations (à évaluer successivement).

On peut estimer grossièrement la SvO2 à partir de la SO2 de la veine cave supérieure.

Il s’agit de mesures soit itératives (prélèvements sanguins par le cathéter veineux central), soit continues au moyen de cathéters centraux modifiés, présentant des fibres optiques (Pre-sep, Edwards) ou encore une sonde qui peut être introduite dans le cathéter.

Il faut toutefois savoir que dans les conditions normales, la ScvO2 est inférieure à la SvO2, en raison du contenu élevé en oxygène du sang veineux rénal, mais que la ScvO2 devient superieure à la SvO2 en cas de diminution de la DO2 (hypovolémie, bas débit cardiaque, anémie…).

La mesure est donc approximative.
 

Le transport d’oxygène (DO2) et la consommation d’oxygène (VO2)

Le transport ou la délivrance en oxygène (oxygen delivery ou DO2) est déterminé par le débit cardiaque (DC) et le contenu en oxygène du sang artériel (CaO2) :
DO2 = DC 3 CaO2 3 10
(le facteur de 10 est nécessaire à la conversion du litre au décilitre)
et la CaO2 est calculée à son tour par la relation suivante :
CaO2 = (Hb 3 SaO2 3 1,39) + 0,031 3 PaO2
dans laquelle SaO2 est la saturation artérielle du sang artériel et 1,39 la constante représentant la quantité d’oxygène liée à 1 g d’hémoglobine. En fait, la deuxième partie de l’équation, représentant l’oxygène dissout dans le sang, peut être négligée.

La DO2 représente la quantité d’oxygène transportée dans l’aorte (fig. 15), mais ne tient pas compte
de facteurs régulant la distribution du sang en périphérie.
La disponibilité en O2 des cellules (oxygen availability) dépend en fait de cinq facteurs :

  • la saturation en oxygène de l’hémoglobine ;
  • la concentration en hémoglobine ;
  • le débit cardiaque ;
  • la distribution du sang dans la microcirculation ;
  • l’avidité de l’hémoglobine pour l’O2 (définie par la courbe de dissociation de l’hémoglobine, et dépendant notamment du pH, de la PCO2, de la température et de la concentration en 2,3 DPG).

 

Figure : Paramètres déterminant le transport d'oxygène avec les interventions thérapeutiques s'y
rapportant

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L’hypoxémie et l’anémie sont généralement compensées par une augmentation du débit cardiaque, si bien qu’elles entraînent rarement une hypoxie cellulaire.

Si la fonction cardio-circulatoire est normale, la PaO2 doit être abaissée en dessous de 30 mmHg pour que s’installe une acidose
lactique.

L’hypoxie tissulaire est généralement liée à une insuffisance circulatoire aiguë (choc).

La VO2 est normalement égale à la demande en oxygène. Elle est normalement au repos aux environs de 250 ml/min ou 150 mL/min. m2.

La demande en oxygène est augmentée par :

  • la fièvre (elle augmente de 10 à 15 % par °C) ;
  • la réaction inflammatoire (infection, chirurgie récente, trauma, brûlures…) ;
  • le degré de douleur, anxiété, énervement… ;
  • le type de ventilation (la dyspnée augmente la VO2, la ventilation mécanique la diminue) ;
  • les actes médicaux, paramédicaux et infirmiers (physiothérapie, toilette…).

Une augmentation de la demande en O2 peut être assurée par une augmentation du débit cardiaque et/ou par une augmentation de l’extraction d’oxygène 

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Une diminution de la demande en O2 se caractérise par une diminution du débit cardiaque et une élévation de la SvO2.

À l’opposé, elle est diminuée par :

  • la diminution de température corporelle (contrôle de la fièvre ou hypothermie) ;
  • la diminution des facteurs de stress et la sédation ;
  • la ventilation mécanique (qui diminue le travail respiratoire).


On peut déterminer la VO2 soit de manière directe soit de manière indirecte.

Méthode indirecte : en appliquant l’équation de Fick, à partir des mesures de débit cardiaque et les analyses de gaz sanguins.

Méthode directe ; par la mesure des contenus en oxygène des gaz inspirés et expirés (technique de calorimétrie indirecte) :

  • chez le patient non intubé : elle est difficile à réaliser, car elle nécessite une enceinte close autour de la bouche et du nez (système « canopy ») ;
  • chez le patient intubé : la mesure est sujette à une série de limitations, et est peu précise lorsque la FiO2 est élevée (au-delà de 50 %).

De toute manière, la détermination de la VO2 n’a que peu d’applications dans la prise en charge du malade. Elle peut éventuellement préciser les besoins caloriques du malade.

L'hypoxie tissulaire

L’hypoxie est définie par une disponibilité insuffisante en oxygène dans la cellule.

Le monitorage de l’hypoxie cellulaire est très complexe.
Causes

  • insuffisance circulatoire aiguë (choc) : le plus fréquent ; hypoxie associée à bas débit circulatoire (« hypoxie stagnante », dans les chocs cardiogénique, hypovolémique et obstructif) ou à un désordre microcirculatoire (« dysoxie », dans es états de choc distributif) ;
  • hypoxémie sévère (« hypoxie hypoxémique ») ou anémie sévère (« hypoxie anémique »), si l’augmentation du débit cardiaque n’est pas suffisante pour compenser la diminution de contenu artériel en oxygène. Il s’agit donc d’hypoxémies sévères (PaO2 généralement < 40 mmHg) ou d’anémies sévères (taux d’hémoglobine généralement < 5 g/dL) pour que ces altérations soient le seul facteur responsable ;
  • présence de poisons cellulaires (« hypoxie histotoxique ») tel le cyanure (brûlés).

L'Acidose lactique

L’augmentation du lactate sanguin, reflète généralement le développement de métabolisme anaérobie en hypoxie. Ce processus produit seulement deux molécules d’ATP par molécule de glucose, au lieu de 36 molécules par voie aérobie.

La valeur normale du lactate sanguin est aux environs de 1 mEq/L (de 0,7 à 1,2 mEq/L).

Une valeur supérieure à 2 mEq/L suggère le diagnostic de choc circulatoire. Une valeur supérieure à 4 mEq/L est associée à un mortalité élevée (> 50 %).

Remarquons qu’on dose le lactate et pas l’acide lactique, qui est quasi entièrement dissocié dans le sang.

L’hyperlactatémie (augmentation du lactate dans le sang) n’est pas nécessairement associée à une acidose lactique (qui représente l’association d’une hyperlactatémie et d’une acidose métabolique).

En fait, ce n’est pas la production de lactate mais la dégradation d’ATP qui est responsable d’acidose métabolique. Néanmoins, les deux phénomènes sont concomitants au cours de l’hypoxie tissulaire, résultant en acidose lactique.

Toute hyperlactatémie doit suggérer le diagnostic d’insuffisance circulatoire aiguë, mais certaines limitations doivent être gardées à l’esprit (tableau VIII).

Il est intéressant de répéter les mesures de lactate sanguin (au moins toutes les 8 heures, parfois toutes les 2-3 heures) pour s’assurer de la résolution progressive de l’hyperlactatémie.

Le taux sanguin de lactate reflète la balance entre la production et l’élimination du lactate.

Le lactate est métabolisé principalement par le foie, mais aussi par le rein et d’autres organes.

L’insuffisance hépatique (chronique ou aiguë) ralentit l’élimination du lactate.

En cas d’insuffisance hépatique même sévère, le taux de lactate est généralement normal à l’état stable, si bien que le diagnostic de cirrhose ou d’insuffisance hépatique n’est pas suffisant pour expliquer une hyperlactatémie.

Toutefois, chez ces patients, une insuffisance circulatoire même modérée entraîne une hyperlactatémie sévère et prolongée.

Au cours du sepsis sévère, l’hyperlactatémie peut être en partie due à d’autres phénomènes que l’hypoxie cellulaire :

  • augmentation de la glycolyse aérobie ;
  • altération du métabolisme du pyruvate, par suite de l’inactivation de la pyruvate deshydrogénase.

Les organes enflammés (comme le poumon dans l’ARDS) peuvent contribuer davantage à l’élévation du lactate.

D’autres phénomènes peuvent contribuer à l’hyperlactatémie :

  • Le travail musculaire intense, comme au cours de l’exercice, de la crise d’épilepsie, de l’agitation ou même des frissons ;
  • l’hyperventilation : par l’augmentation du travail des muscles respiratoires et éventuellement

l’activation de la phosphofructokinase en cas d’alcalose ainsi que par la diminution éventuelle de la perfusion hépatique ;

  • le diabète décompensé (surtout en cas d’hypovolémie associée) ;
  • l’intoxication éthylique ;
  • certains cancers avancés (principalement suite à l’hypoxie du centre de la tumeur).

L’acidose lactique par elle-même ne doit pas être traitée. L’administration de bicarbonate a plutôt des effets défavorables.

L’administration de dichloroacétate peut diminuer les taux sanguins de lactate, mais n’améliore pas la mortalité.

Limitations de l'hyperlactatémie dans le diagnostic d'insuffisance circulatoire aiguë

  1. Le lactate sanguin peut être dû non seulement à une production accrue, mais aussi à une altération de l'élimination, en présence d'insuffisance hépatique
  2. Les changements de lactatémie sont trop lents pour pouvoir directement guider le traitement
  3. L'hyperlactatémie dans le sepsis peut être due à d'autres facteurs que l'hypoxie tissulaire
  4. L'hyperlactatémie est un paramètre global, qui ne senseigne pas sur la perfusion individuelle des organes

 

Augmentation de la PCO2 veineuse et augmentation de la différence veino-artérielle en PCO2

La stagnation du sang dans les capillaires entraîne une accumulation de PCO2 produite.

La production accrue d’ions H + au cours de l’hypoxie cellulaire peut contribuer à augmenter la production de CO2.

L’accumulation de PCO2 peut aussi être mesurée au niveau de la muqueuse gastrique, par la mise en place d’une sonde gastrique équipée d’un ballonnet perméable à la PCO2.

On mesure alors la PCO2 de la muqueuse gastrique (PgCO2) par tonométrie.

Un gradient élevé entre la PgCO2 et la PaCO2 suggère une altération des apports en oxygène à la muqueuse gastrique au cours des états d’insuffisance circulatoire.

La tonométrie sublinguale peut apporter des informations comparables en mesurant la PslCO2 en présentant moins de limitations pratiques.
 


 



 

Date de dernière mise à jour : 29/02/2020

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