La kétamine a des propriétés analgésiques centrales (récepteurs morphiniques et récepteurs NMDA).
l’agent anesthésique de référence dans certaines circonstances cliniques, notamment les états de choc, la tamponnade, ou l’asthme aigu grave
il faut considérer, comme le soulignent des revues, qu’il existe deux indications de la kétamine : à forte dose comme anesthésique général, et à faible dose comme antalgique
Dans les années 1950, les laboratoires Parke-Davis isolent la phencyclidine (PCP, Sernyl®, angel-dust), dotée de propriétés analgésiques et dépourvue d’effets dépresseurs cardiorespiratoires, mais inductrice de troubles psychiques prohibitifs.
Après l’essai de la cyclohexamine, la kétamine (CI-581) est synthétisée en 1962 par Calvin Stevens. Moins puissante que la PCP, elle provoque moins de problèmes psychiques au réveil. Commercialisée en 1969 aux États-Unis, elle est utilisée pendant la guerre du Vietnam. Malgré une mise à l’écart en anesthésie, la revue de White fait le point en 1982 d’une décennie de recherche.
Les années 1990, consacrées à la pharmacologie du récepteur N-méthyl-D-aspartate (NMDA), revisitent les effets analgésiques, tant somatiques que viscéraux, de doses faibles qui limitent les effets secondaires. Le terme, inexact, d’« analgésique de surface » tombe en désuétude. Le renouveau de la kétamine, médicament « antihyperalgésique » synergique des morphinomimétiques, s’intègre dans les stratégies modernes d’analgésie multimodale, préventive des douleurs postopératoires.
Elle est présentée en ampoules de 5 mL dosées à 50 mg (solution à 1 %, soit 10 mg/mL) et en ampoules de 5 mL dosées à 250 mg (solution à 5 %, soit 50 mg/mL).
Le pKa de la kétamine est de 7,5.
Sa liaison protéique est faible (10 %) et elle est très liposoluble (début d’action rapide).
Pharmacocinétique ≈ du thiopental mais molécule est 5 fois plus liposoluble que le thiopental.
Liaison aux protéines plasmatiques ≈ 50%.
Débit sanguin cérébral élevée + liposolubilité = concentrations cérébrales élevées puis redistribution dans les tissus adipeux
La t1/2 de distribution régit l’effet anesthésique, et la t1/2d’élimination les phénomènes tardifs comme les hallucinations au réveil.
La kétamine s’accumule en cas d’injections répétées ou d’administration continue.
Sa demi-vie d’élimination est prolongée par l’halothane et le diazépam, ainsi que chez l’enfant de moins de 3 mois (métabolisme Hépatique diminué).
Elle traverse rapidement le placenta : les concentrations fœtales sont maximales en 1,5 à 2 minutes et peuvent dépasser les concentrations maternelles.
Terrain |
Vdss (L/kg) |
Clairance (mL/min/kg) |
Demi-vie (h) |
Élimination Sous forme inchangée (%) |
Concentration plasmatique effective (μM/L) |
Adulte | 3.5 | 10 | 2-3 | 5 (urines) | 10 |
Enfant | 2.5 | 13 | 1-2 | 5 (urines) | identique |
Siège du métabolisme : fraction enzymatique microsomiale du foie (cytochrome P450).
Étapes : déméthylation en norkétamine (action 5 fois plus faible) par les monoxygénases dépendant du cytochrome P450, hydroxylation puis glucuroconjugaison.
Élimination : urinaire (90 % sous forme métabolisée, 5 % sous forme inchangée), fécale (6 %).
La kétamine induit une anesthésie dissociative dose-dépendante due à une dissociation fonctionnelle et électrophysiologique entre le thalamus et le système limbique ;
elle déprime la conduction axonale et l’excitabilité cellulaire, et réduit l’activité excitatrice des récepteurs (site de reconnaissance de la phencyclidine) du N-méthyl-D-aspartate (effet hypnotique) ; l’inhibition de l’action du glutamate (acide aminé neuro-excitateur le plus répandu dans le cerveau) expliquerait ses effets protecteurs sur l’ischémie cérébrale.
Elle stimule certains récepteurs morphiniques (μ et σ) (effet analgésique),
Interagit avec les récepteurs sérotoninergiques et cholinergiques du système nerveux central et inhibe le recaptage de la noradrénaline au niveau synaptique (effet inotrope positif).
La kétamine induit une anesthésie dissociative qui se traduit par un état cataleptique associant une analgésie de surface et un sommeil superficiel ; les yeux restent ouverts, les pupilles dilatées, avec parfois un nystagmus horizontal et vertical (induction et réveil).
Elle induit une amnésie postopératoire.
Le tonus musculaire est conservé et les mouvements restent possibles.
Les réflexes laryngés, pharyngés et de déglutition sont conservés mais ne mettent pas complètement à l’abri d’une inhalation (intubation trachéale et manœuvre de Sellick restent nécessaires).
Elle augmente la pression intracrânienne, le débit sanguin cérébral et la consommation cérébrale d’oxygène.
Au réveil, l’apparition de rêves, d’hallucinations voire d’expériences extracorporelles est dose-dépendante.
La kétamine augmente la pression artérielle systolodiastolique, le débit cardiaque, la fréquence cardiaque, le débit sanguin coronaire et la consommation myocardique d’oxygène, indirectement par le biais d’une stimulation sympathique.
À forte concentration cependant, elle exerce un effet dépresseur myocardique direct .
Enfin, elle augmente les pressions artérielles pulmonaires et possède une action antiarythmique quinidine-like.
La kétamine est un faible dépresseur respiratoire.
Elle induit une bradypnée avec augmentation de l’amplitude respiratoire et diminue
la réponse ventilatoire à l’hypercapnie chez l’enfant.
Elle diminue la compliance thoraco-pulmonaire (hypertonie musculaire) et entraîne
une broncho-dilatation par diminution de la concentration de calcium intracellulaire.
En obstétrique, la kétamine ne provoque pas d’atonie utérine, et pas de dépression respiratoire ou cardio-circulatoire chez le fœtus.
Elle augmente la pression intraoculaire, provoque une hypertonie musculaire diffuse, sans chute de la langue, et une hyperglycémie.
Voie |
Délai d’action |
Effet maximal |
Durée d’action |
Durée du réveil |
IV |
< 1 min |
2 min |
5-12 min |
60 min |
IM-Rectale | 3-5 min |
12-15 min |
15-30 min | 3-4 h |
Orale | 20 min |
30 min |
45 min | 120 min |
Par voie épidurale, la durée d’action de la kétamine est de l’ordre de 4 heures.
La kétamine a été utilisée pour réaliser une anesthésie locorégionale intraveineuse (suivie d’une anesthésie générale à la levée du garrot).
Voie | Adulte | Enfant |
Induction (IVD) |
1-2 mg/kg |
2-3 mg/kg |
Entretien (Perfusion) |
15-45 μg/kg/min |
15-45 μg/kg/min |
IVD |
dose après 15-20 min |
dose après 15-20 min |
IM | 5-10 mg/kg |
5-15 mg/kg |
Rectale |
- |
8-10 mg/kg (résorption peu prévisible) |
Épidurale |
0,2-0,4 mg/kg |
0,2-0,5 mg/kg |
Analgésie intraveineuse chez l’adulte |
Bolus peropératoire 0,1-0,3 mg·kg-1 Perfusion postopératoire 0,1-0,2 μg·kg-1·min-1 Analgésie autocontrôlée bolus de 1 mg |
La kétamine est utilisée pour l’induction et l’entretien de l’anesthésie dans certaines circonstances :
Elle a également été proposée pour l’analgésie intraveineuse, à doses subanesthésiques, dans les syndromes douloureux chroniques.
Enfin, elle a été utilisée en analgésie épidurale et intrathécale lors de syndromes douloureux chroniques, d’algodystrophies ou en analgésie postopératoire.
Absolues : elles sont nombreuses et comportent
Relatives :
Restriction de prescription (AMM française)
Les indications analgésiques pures et l’administration épidurale ou intrathécale de kétamine n’ont pas d’AMM.
Une prémédication par un vagolytique est recommandée avant l’utilisation de kétamine.
On peut atténuer les effets psychodysleptiques en administrant simultanément des benzodiazépines (midazolam plus efficace que diazépam) ; le réveil dans une ambiance calme ne modifie en rien l’incidence des hallucinations mais un entretien préanesthésique expliquant ces phénomènes semble aussi efficace qu’une prévention pharmacologique.
Médicaments |
Médicaments Effets pharmacologiques |
Mécanismes |
Dropéridol |
Majoration des effets psychodysleptiques |
Interaction pharmacodynamique (effet additif) |
Benzodiazépines |
Diminution des effets psychodysleptiques |
Interaction pharmacodynamique (action antagoniste centrale) |
Sympathomimétiques |
Augmentation des effets sympathomimétiques |
Interaction pharmacodynamique |
Curares |
Potentialisation de la curarisation |
Interaction pharmacodynamique |
N2O, morphiniques, anesthésiques volatils |
Majoration deseffets ; potentialisation de la dépression respiratoire ; retard de réveil |
Interaction pharmacodynamique |
Alpha et bêtabloquants, ganglioplégiques, inhibiteurs calciques |
Dépression respiratoire |
Interaction pharmacodynamique |
Aminophylline |
Abaissement du seuil convulsivant |
Interaction pharmacodynamique |
Barbituriques, diazépam, prométhazine |
Précipitation |
Incompatibilité physicochimique |
La kétamine augmente la sécrétion salivaire (surtout chez l’enfant).
On recommande une prémédication par un parasympatholytique,car un laryngospasme est possible.
Les nausées et vomissements sont rares.
Hallucinations, rêves, agitation, troubles psychiques au réveil sont atténués par les benzodiazépines.
Des accès de toux et un hoquet, ainsi que des mouvements tonicocloniques sont possibles chez l’enfant.
La kétamine n’est pas histaminolibératrice et les réactions allergiques sont exceptionnelles.
La marge de sécurité de la kétamine est importante ; un surdosage peut retarder le réveil ou provoquer une dépression respiratoire nécessitant parfois une ventilation assistée.
Date de dernière mise à jour : 13/02/2018
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